Au Québec, la Saint Jean-Baptiste est aussi la fête nationale. Une fête à laquelle j’ai assisté chacune des 4 années que j’y vis. Dernièrement, c’est aussi une fête qui me donne la nausée.
C’est la fête d’un peuple individualiste désengagé de sa politique, qui fantasme son indépendance après deux bières et après les discours galvanisateurs d’animateurs populistes, sans jamais traduire ses rêves en actions concrètes et sans saisir l’opportunité des différents référendums sur l’indépendance du Québec.
C’est la fête d’un peuple ramolli, qui laisse ses étudiants, traités de « bébés gâtés » par les plus vieux, défendre seuls les intérêts de la population contre un gouvernement cynique et se faire matraquer par une police abusive qui manifeste, par ailleurs, pour les mêmes raisons depuis 3 ans (protection des acquis sociaux et des pensions) en portant des pantalons de clown avec leur uniforme et en recouvrant leurs véhicules d’autocollants « On n’a rien volé, nous ».
C’est la fête d’un peuple qui, par amour du confort ou par crainte de la répression, s’est départi de toute conscience politique et réélit inlassablement des députés qui font de l’Assemblée Nationale une réunion de maquignons un jour de marché aux bestiaux sans véritable clivage.
C’est la fête d’un peuple sous contrôle qui voit son budget police augmenter d’année en année alors même que la criminalité diminue fortement depuis 2005. Or le paradoxe d’une politique de sécurité est qu’on ne peut que la pousser plus loin : si elle fonctionne, il faut la poursuivre, si elle ne fonctionne pas, il faut en faire plus. Dans les deux cas, la surveillance et la répression ne peuvent que progresser, petit à petit, en laissant aux citoyens le temps de s’habituer à ces libertés qu’on leurs retire.
Place des Arts, à Montréal, un peu avant le concert de la Saint Jean, en marge des Francofolies, il y avait au moins un policier/agent de sécurité pour 5 festivaliers. Il fallait, pour accéder à la zone du festival, passer des checkpoints à travers des barrières, où le contenu des sacs était vérifié. Ouvrir son sac à un inconnu pour prouver qu’on n’est pas une menace est devenu un geste tellement banal, en 2017, que plus personne ne se souvient qu’il y a encore 20 ans, c’était une des nombreuses formes de violation de votre vie privée. Le seul concept de vie privée est en train de devenir un lointain souvenir d’une époque révolue où la criminalité était bien plus importante en fréquence, et la sensation d’insécurité, paradoxalement bien moindre.
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