Published On : 4 October 2017 |Last Updated : 18 June 2018 |3107 words|13.1 min read|8 Comments on Les 5 astuces ultimes pour améliorer vos photos|

Vous y avez cru ? Vous vous êtes vraiment dit que j’allais, moi, vous faire un article liste pute-à-clic avec des raccourcis faciles et péremptoires ? Oui ? Ok, c’est parti…

Table of Contents
  1. Les astuces, prêt-à-porter de la méthode de travail
  2. Améliorer ses photos, ça veut dire quoi ?
  3. Attache ta ceinture, personne ne peut te sauver
  4. Précision importante
  5. Tes semblables n’en savent pas plus que toi
  6. Alors, tu veux faire une photo ?
  7. Conclusion
  8. Note au futur petit malin

#Les astuces, prêt-à-porter de la méthode de travail

Une astuce, c’est une recette du cuisine. Au mieux, ça permet de gagner du temps dans son travail. On en développe tous au fur et à mesure : on sait qu’avec tel appareil, il vaut mieux sous-exposer d’un stop, que tel objectif est un peu mou sous F/2.8, que telle carte mémoire est un peu usée et qu’il faut vérifier son verrou lecture-seule avant de l’insérer, etc.

Le premier problème, c’est que les astuces de quelqu’un d’autre ne s’appliquent pas forcément à votre cas particulier, et qu’il peut même être contre-productif de les appliquer. C’est à vous de développer votre propre méthode de travail en fonction de vos projets, de votre environnement et du genre de photos que vous faites. Comment vous organisez et archivez vos photos, comment vous les retouchez, dans quel format vous les exportez, comment vous les imprimez, comment vous compensez les limites de votre matériel, quel est votre workflow… Ça demande des connaissances techniques, une réflexion sur vos besoins et contraintes, et des essais de méthodes de travail. Personne ne peut vous livrer une méthode de travail sur mesure à votre place.

Le second problème, c’est qu’aucune astuce, même donnée par un très grand professionnel, ne permet d’améliorer ses images. Aucune méthode de travail, aucune règle de composition, aucune astuce de retouche ou de prise de vue ne permet de faire de meilleures photos. Une telle astuce permet d’arriver à un certain résultat, prévisible, rapidement. Agir ainsi, c’est chercher la reproductibilité industrielle dans un processus artisanal et idéalement artistique. Ceux qui font cette erreur feraient mieux d’aller faire du génie industriel, car ils n’ont rien compris à la photographie. Une photo d’auteur n’est pas un panorama Google Street View.

#Améliorer ses photos, ça veut dire quoi ?

Les rendre plus nettes ? Plus belles ? Plus signifiantes ? Plus intéressantes ?

La beauté n’est pas un but. Pour paraphraser Kant, la beauté est ce qui existe hors de tout but. Ne peut être beau que ce qui est inutile. On ne peut pas rechercher la beauté, sans quoi elle devient une commodité.

Améliorer ses photos ne veut rien dire. Chaque photographe a (ou devrait avoir) une démarche. Une démarche, c’est, de façon très prosaïque, une raison d’avoir un appareil photo sur lui. Documenter ses vacances est une démarche. Documenter un génocide aussi. Dénoncer, montrer, choquer, questionner, attirer, manipuler, mentir, idéaliser, sont des démarches. 

Améliorer ses photos, ça veut dire pousser cette démarche particulière à son extrême limite. Tous les « grands » photographes ont creusé un aspect particulier jusqu’à en sortir quelque chose d’unique et de personnel. Du coup la question n’est plus « la photo est-elle bonne ? » mais « la photo va-t-elle assez loin ? ». Et aucun expert du web ne peut vous sortir quelques astuces en conserve pour vous aider dans cette démarche.

#Attache ta ceinture, personne ne peut te sauver

Je suis convaincu que la photographie ne s’enseigne pas. De même qu’un doctorat en littérature comparée ne fait pas un écrivain, mais tout au plus un critique littéraire éclairé, de même qu’un premier prix du conservatoire en harmonie ne fait pas un compositeur, aucune formation ne peut faire un photographe. On peut apprendre l’optique (la physique de l’appareil photo), la retouche (la technique assimilée à la peinture), la chambre noire (tirages photo-chimiques), l’histoire et la philosophie de l’art, mais ça fait un artisan ou un théoricien de l’image, ça ne fait toujours pas un photographe, c’est à dire un « auteur de photos ».

Pour apprendre la photo, il faut tester. Tester différents sujets, différents points du vue, différents éclairages, analyser le résultat et recommencer. Les cours de photos sont des arnaques, les workshops sont des pompes à fric. À la limite, écouter des conférences de photographes et d’artistes peut être pertinent pour aller chercher des idées et des approches, mais suivre leurs workshops pour apprendre à reproduire ce qu’ils font est sans objet. Parce que reproduire est sans objet. Et parce qu’en plus, dans un workshop, tu vas te partager une modèle avec 9 autres clampins qui vont se mettre dans tes jambes, tu vas avoir 45 min pour shooter à ton tour une modèle morte qui fait ça depuis 6h, après 2 h de blabla qui se trouve dans toutes les encyclopédies photos à 40-60 € s’il est pertinent, et surtout tu te retrouves avec 10 nouveaux convertis qui vont aller précher tout le web que le workshop était trop de la balle, parce que plus c’est cher et plus ça te fait mal où je pense de dire que tu es déçu.

Je vois tous les photographes médiocrement talentueux mettre à profit leur réseau pour vendre de la formation, c’est la grande mode pendant la morte saison des mariages. D’abord, c’est marrant quand des autodidactes s’improvisent profs (j’ai appris tout seul mais je pense que vous avez besoin de quelqu’un pour vous guider – on ne voit pas le paradoxe). Ensuite, pour beaucoup, on peut discuter le fait qu’ils soient meilleurs que leurs élèves. Alors on sait tous que la plupart des profs d’art (musique, peinture, scuplture, etc.) font ça pour bouffer en attendant de percer dans leur domaine, mais il y a une différence entre un cours particulier à 30 €/h et un workshop charismatique à 400 €/8h × 10 personnes où le matériel n’est même pas fourni.

Je mettrais un bémol toutefois pour les workshops de photo de rue. Autant la photo de studio peut s’expérimenter seul, tranquillement, avec un cobaye volontaire, autant expérimenter la photo de rue est plus délicat et le risque de finir à l’hôpital passé à tabac par un sujet non consentant est réel (quoique souvent un peu surestimé). Voir un photographe de rue expérimenté affronter la jungle urbaine peut avoir un réel intérêt, difficile à restituer en vidéo ou en livre, même si l’on en revient à des astuces pratiques de l’ordre de la méthode de travail, et que les approches varient tellement que vous ne pourrez pas couper à l’exercice de développer la vôtre un jour où l’autre. Sauf que vous remarquerez que l’essentiel de l’offre de workshops photo concerne – bizarrement – tout sauf la photo de rue.

Personne ne peut vous aider à améliorer vos photos, parce que personne n’est vous, que personne ne sait ce que vos photos devraient être, et que vouloir vous faire gagner du temps en condensant « ce qu’il y a à savoir » n’est pas vous rendre service. En chier est formateur. Passer un après-midi avec un flash à vous débattre en essayant toutes les configurations possibles jusqu’à trouver la bonne est une école en soi. Il va falloir regarder, tester, analyser, recommencer, et vous allez comprendre à votre rythme comment la lumière fonctionne et vous exercer l’œil. Avoir un gourou pour vous donner des recettes toutes faites va vous faire gagner du temps à court terme mais va vous priver de toute cette connaissance empirique précieuse à long terme parce qu’elle vous rend adaptable et débrouillard. D’autant plus que le gourou s’est probablement tapé ce boulot lui-même à un moment donné. Alors à quoi bon ?

#Tes semblables n’en savent pas plus que toi

On vit au siècle du narcissisme. Une des formes de ce narcissisme et le besoin de validation (de soi, de ses choix, de ses valeurs, de son expérience). Et quoi de mieux pour recevoir cette validation que d’enseigner et de transmettre ses valeurs et son expérience aux autres, même sans qu’ils l’aient demandé (je sais, je plaide coupable) ? On réalise alors un doublé gagnant “validation + altruisme” parce que vouloir aider les autres n’est jamais un acte égoïste, c’est bien connu. Ça fleurit dans le domaine de la nutrition, du développement personnel, de toutes les formes de coaching, et aussi en photo. Sauf que toute cette science qu’on transmet ne repose sur rien d’autre que des expériences ponctuelles, isolées, non répétables, et donc sur rien de tangible, prouvable, ou rigoureux.

Des sites comme Fstoppers, Petapixels, ISO1200, etc. sont quotidiennement remplis de photographes connus dans leur village qui t’expliquent comment parler au client, faire plein d’argent, utiliser les réseaux sociaux et faire des photos pour être un grand photographe mercantile au succès fracassant. Les mecs ont des portfolios à chier, sont principalement là pour se faire connaître, et t’expliquent pour ce faire comment être connu, et que si tu ne fais pas ci ou ça comme ci ou comme ça, tu as tort. De deux choses l’une : soit on fait des études de cas précis en analysant des photographes réels pour qui le business marche bien et en essayant de comprendre ce qu’ils ont fait correctement pour en arriver là, soit on fait du conseil personnalisé au cas par cas avec analyse de la méthode de travail actuelle (ça s’appelle un audit, et ça coûte cher). Mais faire du conseil généralisé sur la base de son expérience individuelle dans un contexte particulier, c’est du foutage de gueule inductif.

Chaque business est différent. Il n’y a qu’un Apple, même si beaucoup ont essayé de le copier. Et d’ailleurs, il est en train de se planter mollement parce qu’il n’innove plus depuis la mort de son créateur. Combien d’entreprises florissantes commencent aujourd’hui dans un garage ? Plus tellement. 30 ans après, on a des centaines d’incubateurs de start-ups, des plateformes de financement participatif, et des réseaux sociaux pour diffuser sa publicité.

De même, chaque artiste est différent. Il arrive à un moment donné, à un endroit donné, dans un contexte social, politique, culturel donné, il vise un public donné, qui est prêt ou pas à voir son travail, il peut miser sur certains canaux de diffusion et pas d’autres, etc. Ça s’étudie au cas par cas. Et puis la chance sourit souvent aux audacieux qui innovent, plutôt qu’aux frileux qui imitent. Partant de là, tout conseil du type “untel a fait ça, tu devrais essayer” est le plus souvent à jeter. On peut s’inspirer de techniques qui ont fait leurs preuves, mais il faut rester souple et toujours les adapter.

Vos semblables n’ont pas la moindre idée de ce qu’ils racontent quand ils vous disent quoi faire. Si vous voulez de la connaissance qui se vérifie (ça ne veut pas dire qu’elle soit vraie), il y a la presse scientifique, avec des sources, des références, des essais, des données, des méthodes d’analyse, des processus de validation. Le reste, c’est des conneries et on ferait mieux de s’en abstenir. Le danger c’est qu’on est toujours tenté de croire le mec qui a l’air sûr de lui. Surtout que la caractéristique de beaucoup d’artistes est leur manque de confiance en eux, qui les rend un peu trop sensibles au charisme d’autrui.

#Alors, tu veux faire une photo ?

Si on ne peut écouter personne (pas même moi, donc), si on ne doit croire personne, alors comment on fait pour s’améliorer ?

À mon avis, on pratique et on se critique.

On peut se poser des questions. Ou on peut aussi arrêter complètement de réfléchir. Il y a des photographes très cérébraux, très attentifs à l’intention de la photo, qui vont piloter chaque détail en conséquence, d’autres très instinctifs, plus attentifs à la poésie ou à l’instantanéité. Les deux approches semblent fonctionner. Il y en a peut-être d’autres.

Dans tous les cas, la pratique c’est la vie. Pousser toujours plus loin. Consommer des expos de gens hors-normes. Repenser les limites. Comme un amateur de vins qui, à force de découvrir et d’affiner son palais, ne supporte plus la piquette de supermarché, consommer de l’art exerce l’œil et le rend plus exigeant, plus difficile, plus pointu. Il faut prendre le temps de se lasser de ce qui a été trop fait, trop vu, pour pouvoir apprécier la fraîcheur, la reconnaître et la rechercher.

Et puis s’entourer de gens créatifs. C’est plus facile d’entretenir la flamme créative, de discuter et de critiquer son travail avec d’autres gens qui font la même chose. On échange des idées, des réflexions, on se pousse au cul, on s’entre-motive. Juste parler de ce qu’on fait, de ce projet en cours, force à le formaliser, à lui donner plus de corps en l’expliquant. Au contraire, certains milieux conservateurs et coincés peuvent être des poisons pour l’esprit et tuer toute créativité dans l’œuf. Le milieu, c’est important. Faire quelque chose qu’on aime dans un milieu qui ne nous convient pas peut être aussi destructeur pour l’esprit que faire quelque chose qu’on déteste.

#Conclusion

Le donneur de conseil, comme bon nombre d’institutions « d’enseignement » ou parascolaires, se nourissent d’une seule chose : de l’insécurité et du manque de confiance des gens vis à vis de leurs aptitudes à régler leurs problèmes eux-mêmes. La compétence se développe par la pratique informée. En d’autres termes, vous devenez compétent en mettant en pratique une théorie (technique, scientifique, philosophique) jusqu’à comprendre comment elle fonctionne et se traduit dans les faits. Jusqu’à ce que vos essais pratiques vous rendent apte à enrichir la théorie. La seule vraie difficulté est alors de savoir où chercher cette théorie (quelles sources sont fiables) et comment la lire (comprendre son vocabulaire, ses bases).

Ceci est un processus intellectuel qui n’est pas évident, et cependant rarement enseigné (on vous enseignera plutôt ce qu’il faut savoir plutôt que le moyen de l’apprendre vous-même, on transmettra plutôt des connaissances que des méthodes de raisonnement). Et pourtant, quel que soit le domaine de travail, la pratique rend efficace, la théorie rend adaptable (car elle donne des outils conceptuels pour formaliser, généraliser et dépasser le cas particulier). Vous pouvez donc développer vos propres compétences par l’étude, par les tests, par la critique et avec une démarche expérimentale (si je change un paramètre, qu’est-ce que cela change au résultat ?).

Appliquée à la photo, cette méthode d’apprentissage consiste à se donner des exercices de style (chercher des instants décisifs à la Cartier-Bresson, chercher des temps morts à la Depardon, chercher des scènes naïves à la Henri Lartigue, chercher des plans cinématographiques, la perfection graphique, etc.) après avoir lu sur ces approches photographiques. Cela consiste à essayer différents réglages de lumière, d’exposition après avoir lu la théorie de la lumière. Cela consiste simplement à se documenter massivement sur les styles, les approches et les artistes (pas seulement photographes), pour nourrir ses expériences.

Vous n’avez pas besoin de quelqu’un pour penser vos photos à votre place. En faisant des aller-retours entre la théorie et la pratique, vous transformez vos connaissances en compétences et vous vous donnez des outils pour analyser votre pratique. C’est un processus long mais gratifiant. Et chercher à gagner du temps dans vos apprentisages n’est pas toujours une stratégie payante à long terme.

Pour finir, trois aspects de la pratique photographique sont souvent négligés :

  1. apprendre à repérer ce qui cloche dans l’image : comme un musicien apprend à repérer les fausses notes à l’oreille, le photographe devrait savoir identifier les incohérences entre le message général de l’image et certains éléments qui le contredisent (par exemple, une expression faciale en contradiction avec le langage corporel général, qui rendrait la lecture difficile, à moins que ça soit l’effet recherché).
  2. la sélection des photos :  bien expliquée par Thomas Hammoudi, elle consiste à sélectionner uniquement les images porteuses de sens dans votre lot. Tout le monde fait des images ratées, les bons photographes sont seulement des gens qui ne publient pas leurs mauvaises photos, et qui montrent des ensembles cohérents (dans des livres, expositions, etc.). C’est une vraie compétence à développer, et il n’y a pas de méthode définitive.
  3. la gestion de la lumière : aspect plus technique, mais la lumière est un art en soi et fait toute la différence entre un travail soigné et un traval torché. Elle dessine les volumes et donne la profondeur de votre image. Pour cela, il y a beaucoup à apprendre des peintres flamands.

#Note au futur petit malin

Il va fatalement y avoir un petit malin pour laisser un commentaire sur cet article disant globalement « ah ouais, tu critiques les donneurs de conseils, mais toi tu fais pareil, tu nous donne des conseils ». Laissez-moi vous épargner cette peine. Mes conseils sont des méthodes ou des raisonnements pour trouver vos propres astuces, votre propre démarche, pour faire vos propres photos, pas des astuces génériques pour faire de soi-disant « bonnes » photos suivant des critères stéréotypés en quelques étapes reproductibles. Je ne fais la promotion d’aucune approche particulière, et mon seul conseil est en substance de ne pas écouter les conseils. Du coup, si vous écoutez mon conseil, et bien vous n’avez pas suivi mon conseil, et je vous laisse vous dépatouiller avec ce paradoxe logique en prenant une bière.

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