Published On : 11 avril 2015 |Last Updated : 22 mars 2019 |5020 words|21,1 min read|25 Commentaires on Forums photo : la triste réalité|

Créés dans un but louable, celui de réunir amateurs et professionnels autour d’une même passion, les forums photo, et particulièrement les forums de critique photo, sont devenus au fil du temps des espaces où les débutants assènent leur vision étriquée de la photographie à des gens souvent plus chevronnés qu’eux. La formation autodidacte n’est pas un mal en soi, puisqu’elle a fabriqué de grands photographes (David Bailey, entre autres) et que grosso modo la moitié des photographes pros ne sont pas diplômés d’écoles d’art. Le problème vient du fait que l’autodidacte a pensé à tout (matériel optique, matériel informatique, modes d’emploi etc.) sauf à l’essentiel : l’oeil.

J’ai le même problème quand j’enseigne la musique : le travail de l’oreille est la dernière des priorités des élèves, qui pensent doigts, technique et lecture de notes, mais pas phrasé, interprétation et chant. C’est d’ailleurs là qu’est la mission du prof, bien au-delà de la simple transmission de connaissances et de compétences : dans l’ouverture d’un horizon plus large, via la transmission d’une culture et l’exploration guidée de domaines moins triviaux. Formulé autrement, les apprentis pianistes rêvent de jouer Beethoven ou Goldman, et c’est au prof de leur faire découvrir Ravel ou Debussy. En photo, les débutants veulent juste faire de « belles images », et c’est aux plus expérimentés de les inviter à questionner leur travail pour enrichir leur approche, en allant regarder plus loin.

On trouve cependant la plupart des débutants plongés dans des bouquins et blogs de nature technique (comment régler son boîtier, réaliser telle ou telle prise de vue ou retouche), mais pour ainsi dire jamais dans des bouquins d’art ou des expositions. On se retrouve alors face à une horde d’apprentis photographes à l’affût de tutoriaux clé en main et de recettes de cuisine qui marchent à tous les coups, et qui finissent par considérer une bonne photographie comme l’aboutissement de l’algorithme ci-dessous :

forum-critique-photo

On se réfugie ici derrière une succession de règles limitatives qu’il faudrait valider l’une après l’autre, apprises par cœur au fur et à mesure des lectures, sans recul ni réflexion sur le genre recherché, comme si une image s’analysait en terme de conditions à satisfaire, comme si une bonne photo devait être obligatoirement nette, bien exposée, belle et accrochable dans son salon. Si vous pensez que j’exagère, testez la requête Google forum critique photo AND "horizon" AND "net" AND "mise au point" et comptez les résultats.

Les règles sont les bouées de sauvetage des médiocres : si elles leur permettent de barboter sans couler, elles ne font pas d’eux des nageurs olympiques. Le recul, la pratique, la culture de l’image ou simplement un cours d’histoire de l’art font apparaître que la seule véritable règle est que les règles changent tout le temps, et vous rendront circonspects vis à vis de ceux qui prétendent le contraire. À défaut de règle, tout au plus peut-on trouver des trucs et astuces pour gagner du temps et pour aboutir à un résultat prévisible, et des modes, changeantes au cours du temps, dont l’impact est variable. Avedon, Bailey, Mc Curry, Newton, Sieff et beaucoup d’autres ont produit des images puissantes en brisant les codes, mais sur les forums combien de critiques éclairés ont pris connaissance de leur travail et de l’étendue de possibilités qu’ils ont déverrouillé en faisant voler les quelques normes visuelles étriquées professées en boucle sur la blogosphère photo ?

En photo comme ailleurs, les règles rassurent et confortent les bons élèves. Plus elles paraissent anciennes, moins on les questionne et plus on les défend. Moins on a d’idées, et moins on les remet en question. Les règles seraient des itinéraires à suivre pour ne pas se perdre. On suit le chemin et on a gagné. Non vraiment, ça serait trop facile.

Je lis souvent des lieux communs sur les règles musicales, qui essaient de justifier celles en photo par une analogie maladroite… « La musique sans théorie et sans technique, c’est impossible ». Donc la photo serait pareille. Analysons cette fallacie.

J’ai 10 ans de formation musicale au compteur, 19 années de pratique, conservatoire, cours privés, examens deux fois par an et récitals. Les « règles » de Bach n’ont rien à voir avec celles de Chopin ou avec celles de Satie ou encore avec celles de Boulez. La musique européenne (qui utilise depuis le XVIIIe s. la gamme à tempérament égal) n’a rien à voir non plus avec la musique orientale (qui utilise des quarts de ton) ou la musique asiatique (qui utilise la gamme pentatonique). La musique n’est pas un langage universel, quoi qu’on entende et qu’on répète bêtement, il suffit pour s’en souvenir d’écouter la musique européenne médiévale (Adam de la Salle, Josquin des Prez, Hildegarde de Bingen, Antoine de Fevin, Jean Ockeghem) ou du baroque primitif (Monteverdi, et les gammes mésotoniques  et à tempérament inégal), et de se rendre compte à quel point ça raccroche à nos oreilles du XXIe s. Universelle, la musique ? Seulement si vous restez confiné à ce que votre oreille a l’habitude d’entendre. Ensuite, prenez une partition avec des croches. Si c’est du classique, elles doivent être jouées telles quelles, régulières. Si c’est du romantique, elles peuvent être jouées rubato, c’est à dire à tempo variable. Si c’est du jazz, elles doivent être swinguées (jouées comme des croches pointées-double). C’est le même fichu rythme écrit de la même fichue manière dans les trois cas sur la même fichue partition. La théorie musicale, on disait ? Laquelle ? Faut-il nécessairement appliquer la bonne théorie à la bonne œuvre ? (Avant de répondre, écoutez d'abord du Bach swingué).

Et la technique musicale dans tout ça ? C’est Bach qui a introduit l’usage du pouce au clavier, avant lui on jouait à 8 doigts et personne ne songeait à remettre cet état de fait en cause. Aujourd’hui, on joue à 10 doigts avec la même évidence. Mais, si l’école française du piano nous casse les bonbons pour jouer avec les doigts courbés/arrondis, l’école russe et les jazzmen jouent plutôt avec les doigts à plat. La technique ? Laquelle ?

Dès qu’on rentre dans les détails précis, les faits montrent souvent le contraire de ce que le bon-sens ou l’intuition suggèrent, et il devient pratiquement impossible de former une opinion catégorique parce que la réalité est complexe. Mais pour cela, il faut se donner la peine d’aller au fond des choses et de fréquenter la discipline suffisamment longtemps pour s’en faire une image mentale suffisamment précise avant d’exprimer une opinion, et ça c’est difficile. À l’inverse, tant qu’on en reste à une analyse superficielle, faite de simplifications et d’approximations floues, souvent de lointains souvenirs d’école, tout semble converger vers une universalité simple et rassurante qui permet de former une opinion rapide et souvent dualiste. Donc utiliser la théorie et la technique musicale pour déduire l’existence de règles absolues en musique est une fallacie, car il y a plusieurs théories et plusieurs techniques qui donnent naissance à plusieurs écoles et à plusieurs mouvements, ayant chacun leurs propres « règles » locales, et qu’on peut parfaitement choisir celles qu’on veut. Du coup, on n’a pas de codes unifiés, mais une cohabitation de plusieurs langages musicaux ayant chacun leur propres codes.

Retour à la photo : ce n’est pas parce qu’un peintre paysagiste anglais médiocre de la fin du XVIIIe a pondu la règle des tiers (sur une approximation de la proportion divine remise à la mode à la Renaissance par un moine mathématicien, par ailleurs inventeur de la comptabilité) qu’il faut le prendre au sérieux. Ce n’est pas parce que les artistes de la Renaissance venaient de mettre la main sur le nombre d’or, ramené de Grèce par des lettrés qui fuyaient avec leur bibliothèque l’invasion ottomane, et collaient de la proportion divine partout, qu’il faut prendre ça pour la quintessence de la beauté. Différentes approches photographiques cohabitent, et elles sont toutes valides. Le plus amusant avec les règles de composition est qu’elles trouvent leur origine dans des délires numérologiques pythagoriciens tentant de mélanger géométrie et métaphysique dans une tentative douteuse d’accéder aux règles de l’Harmonie Universelle par des manipulations de nombres et de proportions. Un truc que les chaînes Youtube oublient de mentionner quand elles présentent la règle des tiers comme seule voie de salut possible. Par voie de conséquence, la règle des tiers est devenue en quelque sorte la méthode de composition du pauvre, et il est assez facile de deviner la formation d’un photographe en regardant sa composition.

Les règles, ça n’existe qu’en droit. En art, on a des courants, des modes, des styles, qui définissent en fait des langages. Et en réalité, les règles telles que définies par les parents pauvres de la photo n’ont pas d’autres buts que de fournir un cadre formel rassurant mais castrateur aux débutants (« je respecte les règles donc ce que je fais ne peut pas être mauvais »), et de faire une distinction entre ceux qui les connaissent (et qui se pensent donc moins débutants) et ceux qui les ignorent (dont les images sont souvent bien plus créatives même si elles peuvent être maladroites). Elles permettent aussi à tout un chacun d’évaluer « si c’est beau ou pas » en se basant sur des critères extérieurs, définis par des gens qui savent mieux qu’eux, évitant ainsi d’avoir à élaborer une réflexion personnelle et d’élaborer leur propre argumentation.

Tout ceci, bien sûr, dans un cadre où il est mal vu d’oser se prétendre artiste (« Moi je cherche juste à faire du beau sans prétention »), car une démarche artistique est forcément synonyme de masturbation intellectuelle, de prétention, d’élitisme et il ne faut surtout pas questionner sa pratique car après tout, la philo de l’art, c’est encore de la masturbation. C’est particulièrement systématique chez les « papys photographes », qui ont commencé la photo sur le tard après 50 ans, et chez qui tout questionnement de nature artistique génère des réactions épidermiques, probablement dûes à une insécurité (redevenir simple étudiant après une vie passée à « savoir » ou à « avoir autorité » peut être un danger pour l’égo). Il faudrait donc faire de la belle photo sans se poser de question, pour éviter de mettre en danger les croyances des gens, notamment par rapport à leur définition du beau et à leur rapport à l’art. En réalité, je soupçonne que cette approche dissimule simplement un manque de créativité : on n’a pas d’idées mais on a de la technique (car heureusement, la technique s’apprend facilement en quelques règles). L’image étant un mode de communication, il peut être intéressant d’avoir quelque chose à dire avant de communiquer… En l’absence d’élément à communiquer, on en reste à une pratique esthétique et décorative.

La machine à écrire est un outil technologique de communication. Elle est utilisée par la secrétaire et par l’écrivain. Pour autant, la secrétaire ne fait pas de la littérature, elle tape le texte qu’on lui dicte, elle reproduit. L’écrivain produit. Il n’a même pas besoin de taper lui-même à la machine pour produire, il peut dicter à une secrétaire. Mais c’est lui l’auteur, c’est lui la source. La même analogie s’applique à l’appareil photo. Il y a le photographe auteur, qui délivre un message et fait un travail d’auteur, et le photo-reprographe, qui fixe en 2D une image de la réalité sans altération (croit-il). Le photo-reprographe a été remplacé par les processeurs des appareils photo, qui règlent tout pour l’utilisateur non éclairé. Être un photo-reprographe, aujourd’hui, c’est s’abaisser au niveau du logiciel interne de l’appareil photo. Nous sommes condamnés à être auteurs pour justifier l’existence de la photographie, une pratique dont la réalisation technique n’a plus besoin de techniciens puisqu’elle a des automates intelligents. La reproduction du réel est déjà prise en charge par les caméras de surveillance et par les Google cars qui, avec 8 caméras, sont capables de générer automatiquement des vues 3D de nos rues. Qu’avez-vous de plus à apporter ?

« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme et sapience n’entre point en âme malivolle » faisait dire Rabelais à Gargantua. On peut facilement étendre la maxime à l’art. Art sans réflexion, approche, démarche, idée ou plus prosaïquement « truc à dire » n’est qu’un passe-temps bourgeois. Surtout aujourd’hui, où la réalisation d’images techniquement parfaites n’a jamais été aussi simple, donc aussi secondaire : la photo est plus que jamais à la portée de tout le monde, mais le nombre de bons photographes ne semble pas avoir explosé pour autant. L’art comporte cette dimension radicale qui impose d’y mettre quelque chose de brutalement personnel, de faire l’image avec ses tripes plutôt qu’avec son appareil photo pour y mettre un engagement, et de prendre constamment le risque de déplaire pour oser créer. La beauté et l’esthétisme deviennent alors des effets secondaires, dont la perception est trop assujettie aux modes et aux contextes pour qu’ils vaillent la peine de s’y attarder. Pour une obscure raison, Van Gogh et l’impressionnisme, aujourd’hui c’est considéré beau (et c’est cher), alors que du vivant de Van Gogh, c’était jugé laid, invendable et flou (déjà !). L’essentiel est donc – au delà de toute considération esthétique ancrée dans la mode du moment – que l’image soit intéressante, pour son regard, pour ce qu’elle évoque ou défend, mais la recherche de la beauté et/ou de la perfection technique sont peu intéressantes, et ne survivent guère à la mode qu’elles suivent.

De plus, l’occurence du mot « Art » (avec majuscule initiale) dans les discussions de forum est un phénomène assez révélateur : beaucoup de gens sacralisent l’art, en inventant des conditions rigoureuses pour distinguer ce qui en est ou pas, ce qui peut expliquer pourquoi toute personne qui affiche une démarche artistique se fait immédiatement coller l’étiquette « snob » ou « élitiste ». En réalité, l’art n’est rien de plus que la production d’un artisan qui s’exprime. L’artisan est une personne qui a développé des compétences techniques dans le travail d’un medium (verre, bois, peinture, marbre, pellicule…). Il peut exécuter le design de quelqu’un d’autre ou son propre design, réaliser une pièce purement utilitaire ou purement « décorative », ou encore ajouter des éléments purement décoratifs sur des éléments purement utilitaires. Ce qu’il produit est de l’art dès lors que c’est une expression personnelle sans visée utilitaire immédiate. S’il y a une visée utilitaire (par exemple : peindre de la vaisselle) ou que ça n’est pas une expression personnelle (par exemple : réalisation d’après les plans ou les dessins de quelqu’un d’autre) on parle plutôt d’artisanat d’art. En conséquence, ça n’est pas au public de décider si c’est de l’art ou pas. Si l’artisan s’est exprimé, c’est de l’art. Ce qui implique que le mauvais art est de l’art quand même. Un dessin d’enfant est de l’art (sans ironie). Le niveau d’aboutissement technique est totalement indépendant de la nature artistique ou non. La seule chose que le public peut décider, c’est si c’est bon ou mauvais, s’il achète ou pas, s’il en veut plus ou non. Ça devrait détendre pas mal de conversations…

Mais, sur les forums, le manque de culture de l’image et de culture artistique, associé à un manque de recul dans sa pratique, génère des prises de becs sans intérêt entre gens très sûrs d’eux – l’ignorance et la certitude vont de pair, voir plus haut – qui n’hésitent pas à traiter de maladresse tout ce qui sort de leur approche personnelle. Un exemple courant est le fait d’exclure du cadre de la photo une partie du corps, sur un portrait, qui est systématiquement assimilée à une mutilation. Dans le même temps, les plans serrés, au cinéma, sur une partie du visage ou du corps ne semblent pas perturber outre mesure. Cette imperméabilité entre le cinéma, qui a développé un langage visuel mis au service de de la narration et de la suggestion, et la photographie, dont le langage visuel est encore très ancré dans la représentation figurative de la peinture classique, est quelque chose de très surprenant, car la photographie est techniquement plus proche du cinéma que de la peinture. Et, pour une raison étrange, vous trouverez l’essentiel des photographes autodidactes de forums piégés dans les codes de la peinture classique sans même s’en rendre compte. Tout ça parce qu’ils n’ont pas réalisé que c’était une question de langage visuel, et de ses codes, pas de règles canoniques.

En conséquence, comment tenter de communiquer par l’image sans s’intéresser un minimum à son histoire, à ses codes et à leur transgression ? Ces détails laissent pourtants de marbre la plupart des nouveaux utilisateurs de boîtier réflex, qui préfèrent des tutoriaux « comment faire » et des astuces prêtes à l’emploi. Ce qui ne les empêche pas, du haut de leurs certitudes, de s’essayer à la critique des autres, en cartonnant soigneusement tout ce qui s’écarte de leur (petite) approche personnelle de la photo. Approche personnelle souvent directement pompée à Cartier-Bresson, d’ailleurs, parce que c’est souvent le seul nom qu’ils connaissent lorsqu’ils sont français. Mais comment, en toute rigueur, tenter d’analyser le travail des autres quand son seul panorama photographique est constitué de sa propre pratique et de sa propre approche, sans autre référence permettant une simple mise en contexte ? On ne peut pas discuter avec des gens qui ne connaissent que leur nombril.

La plupart ignorent qu’on ne fait pas une photo de mariage de la même manière qu’on documente un génocide ou qu’on photographie la collection printemps/été de chez Chanel ou encore que l’on joue avec les symboles et l’onirisme sur des photos conceptuelles ou narratives… quand bien même c’est la même boîte à images technologique qui est utilisée. J’ai donc vu critiqués le manque d’esthétisme sur des photos journalistiques et un rendu trop parfait sur des photos commerciales. C’est un peu comme reprocher à un film de la franchise James Bond de manquer de dialogues et à un film de James Ivory de manquer d’action… Chacun son genre, chacun son public. Quand tu paies ta place de cinéma pour le dernier James Bond, tu sais que tu ne vas pas voir un film d’art et d’essai.

Le top dans la catégorie sont les papys photographes, qui associent des débuts tardifs hésitants à l’assurance de l’âge et de l’expérience (mais dans d’autres disciplines), avec un fort taux de disponibilité pour monopoliser la parole… Ne pas approcher, cocktail explosif ! Ils sont là pour s’auto-congratuler dans un entre-soi confortable où tout le monde pense pareil, entre le pastis et le JT de J-P Pernault. (Photos types : paysages en HDR, macro, vieilles voitures en HDR, vieilles façades en HDR. Retouches types : netteté et contrastes exagérés partout parce qu’ils ne voient plus rien, resaturation des couleurs à la truelle sans motif apparent).

À l’inverse, on trouve aussi les fameux relativistes qui enterrent toute tentative de débat dans un grand potage mou fait de « ça dépend », « chacun ses goûts » ou encore « chacun sa sensibilité ». On réduit alors toute tentative de contradiction à des différences de point de vue en résumant tout ça dans un grand consensus œcuménique dilué dans une bienveillance de façade qui colle aux dents. Trop facile. L’art mérite d’être questionné et tout, dans une image, n’est pas subjectif : il existe un langage visuel culturel et commun, fait notamment de symboles (direction des regards, choix des couleurs, gestuelle, attitude des personnages, présence d’objets connotés, symboles, etc.) qui appartiennent à une civilisation et s’apprennent, en cours d’arts plastiques à l’école, par exemple. On peut comprendre le but ou le message d’une image sans forcément y être sensible et/ou souhaiter avoir ladite image dans son salon, et inversement. Ce qui suppose au préalable d’avoir appris à faire la distinction entre analyse sémantique (critique) et goût personnel.

Résultat de tout ça : les photographes compétents finissent en général par se décourager, retournent faire de la photo dans leur coin ou organiser des stages, en laissant la place libre aux jeunes (ou moins jeunes) coqs pour s’écharper à savoir si les sections d’or valent mieux que la règle des tiers. Le tout sans nuance, évidemment, parce qu’il n’y a qu’une seule bonne façon de faire des images.

Un forum comme Virus Photo, qui a connu son heure de gloire à la fin des années 2000, se retrouve ainsi à péricliter aujourd’hui, animé essentiellement par des gens peu qualifiés mais prolixes (et qui ont trop de temps libre). Et sur Facebook, ce sont des groupes comme F/1.4 qui font le plein, où les mêmes discussions stériles reviennent toutes les semaines, et où les modérateurs - sous couvert de maintien de la courtoisie des échanges - éliminent toute trace de contestation pour des discussions au bon goût de beurre. Il est impossible de parler d’art, et encore moins de challenger le statut quo. Parmi les lieux communs stériles mais réguliers des forums :

  • la technique vs. l’émotion (comme si les deux étaient séparables),
  • le matériel vs. la créativité (comme si on devait choisir l’un ou l’autre - alerte hipster),
  • la retouche vs. l’authenticité (comme si une image pouvait être autre chose qu’une interprétation personnelle de l’artiste),
  • le droit à l’image et le droit d’auteur (parce que tout le monde à un beau-frère dont le cousin est avocat, donc il connaît ça, le Droit).

Et puis on y distille sans complexe des idéalisations de l’art à contre-sens historique pour valider sa pratique personnelle. Par exemple, il est toujours amusant de discuter avec des traditionalistes qui crient haut et fort qu’ils font de la photo « à l’ancienne », « authentique » et donc sans retouche. La retouche photographique a été attestée dès 1860 (20 ans après l’invention du daguerréotype), soit directement sur la pellicule ou plaque photographique (par grattage ou encrage), soit lors du tirage photochimique (par exposition sélective et masquage), soit sur le tirage (à l’encre et au pinceau). Alors certes, les photos de famille n’étaient pas retouchées, ce qui pourrait donner l’idée que la retouche n’existait pas (ce qu’on ne voit pas n’existe pas, c’est connu), mais dans le milieu de la photo d’art, les tireurs et les retoucheurs étaient eux-mêmes de véritables artistes et en tout cas des artisans incontournables de l’image. (Voir mon article Pour en finir avec le mythe de la retouche photo). Moralité, peu importe le moyen : une image se fabrique de toute pièce. Et les idéologies ou modes foireuses justifiées par des erreurs basées sur une méconnaissance historique n’y changent rien. Alors autant vous dire que ça fait des critiques de photos vraiment enrichissantes et très pertinentes.

Le web donne à chacun la possibilité technique d’exprimer une opinion, ce qui ne signifie pas que toutes les opinions soient valides, et beaucoup de gens confondent liberté d’expression et droit d’être écouté. Le fait d’avoir le droit de l’ouvrir n’implique absolument pas qu’on doive vous écouter. La fallacie populiste du web consiste à donner à toute opinion la même valeur, dès lors qu’elle est exprimée, au nom de l’égalité, et ce peu importe qu’elle émane d’un spécialiste expérimenté du sujet ou de quelqu’un sans qualification. Si l’on oublie que la valeur d’une opinion tient à la valeur de son argumentation, donc à sa cohérence logique, effectivement expression équivaut validation.

Vous qui voulez progresser, dites-vous bien une chose : il y a deux sortes de photographes, ceux qui sont sur les forums et ceux qui sont derrière leur appareil photo. Et ceux qui ont le temps de fréquenter les forums sont ceux qui n’ont pas assez de travail, et probablement pas les compétences qu’ils prétendent avoir.

Pour aller plus loin, à voir absolument :

  1. How To Bring The "Constructive" Back To "Constructive Criticism"
  2. Should We Listen To ‘Critics’ or Show Them The Door?
  3. Take it or leave it with Bruce Gilden
  4. Critique de la faculté de juger, Kant.

Et pour composer de belles critiques originales de photos, argumentées et constructives, voyez cet outil.


#Réponse à ceux qui pensent que n’importe qui peut critiquer n’importe quoi

[MàJ du 13 avril]

Il ne faut pas confondre avis et critique. Tout le monde peut donner un avis sur n’importe quoi. Vous pouvez donnez votre avis sur l’énergie nucléaire sans avoir de doctorat en physique quantique. Vous pouvez donner votre avis sur la sélection de l’équipe de France au prochain mondial sans jamais avoir gagné un seul match. Mais au final, votre avis vaut quoi ? Critiquer suppose une analyse préalable, et cette analyse suppose des références, de l’expérience, et des connaissances précises. Critiquer une image suppose d’être capable de lire l’image, d’interpréter l’idée de base de son auteur, de déduire comment le photographe a réalisé sa prise de vue (éclairage, réglages, etc.), et d’identifier dans cette prise de vue les éléments qui ont péchés ou au contraire qui servent l’idée de base.

Sinon on donne un avis, du type « j’aime » ou « j’aime pas », voire on essaie de critiquer quelque chose qu’on ne comprend pas. Le web se pense comme une démocratie participative où chacun peut produire du contenu. C’est très bien, mais voilà, certains domaines demandent plus que la capacité matérielle d’exprimer son opinion : ils demandent des connaissances précises, au moins pour prétendre à un minimum de pertinence. Considérer que l’avis de chacun a la même valeur est utopique et démagogue : tout le monde est capable d’aimer ou pas une image, mais très peu sont capables de lire une image. Un avis sur une œuvre renseigne sur l’auteur de l’avis, une critique d’une oeuvre renseigne sur l’oeuvre elle-même. Aimer Doisneau indique seulement que vous faites partie de son public, pas que sa photo est humaniste.

En laissant n’importe qui s’exprimer sur n’importe quoi, on créée du bruit. La critique demande une vraie culture de l’image, pas seulement limitée à la photographie, et bien au delà du triangle de l’exposition.

Savoir regarder un paragraphe ne signifie pas forcément savoir le lire. Savoir le lire signifie avoir appris le sens des symboles couchés sur le papier, l’organisation des lettres en mots et des mots en phrases, la grammaire juste que la poésie s’emploie parfois à déconstruire, avec une idée derrière la tête, et les registres de langue. Dans la même idée, l’image peut se contempler béatement où se lire. Le public asiatique sait par exemple lire une image « à l’occidentale » (dans le sens de l’écriture latine, le passé symboliquement situé à gauche et l’avenir à droite) ou à l’orientale (dans le sens de l’écriture des idéogrammes, de la droite vers la gauche), suivant que l’auteur est occidental ou oriental. Preuve que la lecture demande un minimum de culture.

Il ne faut pas confondre exigence et élitisme. L’élitisme, c’est créer une élite basée sur des critères arbitraires, et en verrouiller l’accès aux non-membres, éventuellement en durcissant les conditions d’admission quand le verrouillage ne fonctionne plus assez bien. L’exigence, c’est attendre des gens qu’ils se sortent les doigts d’où je pense pour relever le niveau, en leur offrant des possibilités pour y arriver. Traiter l’exigence comme une forme d’élitisme, c’est de la démagogie pure.


#Histoire de la photographie 101 

[MàJ du 13 avril] Parce que se plaindre que les gens n’ont pas de culture n’a de sens qui si on leur donne les moyens d’y remédier :

Liste non exhaustive et classement arbitraire, il va sans dire…


[MàJ du 13 avril 2017] Je ne sais pas pourquoi, mais cet article refait le tour de la toile chaque année en avril depuis 2015, avec un nombre de lectures invraisemblable réparties sur quelques jours à chaque fois. Est-ce le printemps qui pousse le photographe forumeur à se poser des questions ?

Moi j’ai abandonné les forums. La critique ne m’intéresse plus, je sais ce que je fais et pourquoi je le fais. Je me documente dans mon coin, souvent hors-ligne, à l’écart du hype. Les cours, forums, blogs, chaînes Youtube de photo ne m’ont apporté que déception et m’on fait perdre mon temps. C’est avec le recul qu’on s’on rend compte. Voir mon article Que valent les conseils des photographes professionnels ?.

Commentaires

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  1. Dan 9 juin 2017 à 10 h 23 min - Répondre

    Wouaou !
    Bon, pour commencer, je revendique le droit à passer une journée et même plus, sans créer et pourquoi pas, à faignasser.

    Artistes : vos papiers !!
    Critiques : vos diplômes !!

    A force de bouffer du Nutella, celui-ci devient une référence et même si la pâte chocolatée de Casino est bien mieux équilibrée et gouteuse, c’est l’onctuosité et le goût singulier qui s’imposeront.
    Même chose pour mon cas particulier , si après coup, je trouve que Krystian Zimerman a quelque chose de très intéressant dans son Concerto de Ravel (sol maj), je préfère celui d’Argerich parce que c’est le premier que j’ai écouté et ré-écouté plus de 100 fois. Allez y comprendre quelque chose ?
    Enfin, je trouve GIMP infiniment plus simple et plaisant que PSP… parce que je n’ai jamais réellement abordé Ladaube.
    Tout ça pour dire que nos premiers pas nous dictent une forme de pensée et de goût et qu’il est très difficile d’en sortir.
    Ces premiers pas sont matraqués à coups de netteté, points forts, nombre d’or, exposition. Il est normal que cela devienne une base de la critique et il faut du temps et du temps pour en sortir et ceci d’autant plus qu’au nom d’un anticonformisme beaucoup de gens très… Artistes , mais à court d’inspiration, présentent délibérément du n’importe quoi au nom d’une volonté subversive.(On connait les mêmes dérives en peinture).

    Il faut être tolérants avec nous les gueux et les peux instruits ; la photo s’est vulgarisée. Elle est présente partout avec ses dérives et ses miracles.
    La parole est ouverte à tous avec les forums et les réseaux ; c’est la cours des miracles : on y trouve tout, en vrac, le meilleur côtoie le pire.

    Acceptez la critique ; j’ai sans doute moi-même, agacé à mes débuts, des photographes, mais à force de critiquer, j’ai appris ; je dirais même que c’est en critiquant que l’on apprend si tant est que l’on essaye d’analyser ses émotions et pulsions face aux canons appris.

  2. Alessandro 12 juin 2017 à 18 h 20 min - Répondre

    Au fond ce qui est proposé ici, c’est « simplement » une démarche d’esprit critique, universitaire. Et comme souvent, c’est perçu comme de la prétention alors que justement, l’exigence intellectuelle amène à être humble. C’est d’autant plus étrange ces accusations d’élitisme que vous êtes vous-même un autodidacte, si j’ai bien compris (et cela dit, l’élitisme intellectuelle ne me paraît pas insultant. Je ne me sens pas diminué face à quelqu’un de plus cultivé ou de plus intelligent, j’essaie juste d’apprendre grâce à cette personne).

    Mon commentaire enfonce probablement des portes ouvertes, je voulais simplement manifester le fait que j’ai trouvé cet article extrêmement inspirant et confortant.

    • Aurélien 27 juillet 2017 à 15 h 00 min - Répondre

      Merci beaucoup ! Enfin quelqu’un qui me comprend :-)

  3. ouiouiphoto 27 juillet 2017 à 9 h 27 min - Répondre

    D’un autre coté si l’on est pas content des forums photo il suffit de ne pas y aller :D. Chez moi la rubrique c’est Présenter une photo - Les membres du forum vous donneront leurs avis. Je n’ai jamais aimé le mot critique. A mon avis il manque un élément primordial dans ton tableau. Que viens chercher celui qui présente une photo. La tu montre ce qu’il reçoit mais que vient-il chercher ? Beaucoup se foutent totalement des avis qu’ils vont avoir. Il ne sont pas dans un forum critique mais dans un forum « exposition » et sont persuadés d’être des artistes.

    Un bon forum c’est un endroit oui il y a adéquation entre celui qui poste et celui qui donne son avis. Et on peut tout a fait y progresser. Il suffit de bien avoir assimilé les rêgles de fonctionnement que tu explique et faire avec. Car si tu n’es pas prêt a faire avec il ne faut pas y aller

    • Aurélien 27 juillet 2017 à 14 h 56 min - Répondre

      D’un autre côté, quand une pratique se généralise, elle mérite d’être analysée, peu importe qu’il y ait adéquation entre les attentes de ceux qui postent et celles de ceux qui commentent, ou pas. La question de cet article n’est pas de savoir si les forums, c’est bien ou mal, mais ce qu’on peut en tirer de pertinent et de « solide » (au sens de la rigueur du raisonnement).

      Or tant que le forum reste un espace où l’échange est plus important que la rigueur de l’analyse, on ne va nulle part. Effectivement, beaucoup ne cherchent que de la visibilité, mais dans ce cas ils peuvent utiliser tous les réseaux sociaux à leur disposition. La volonté sous-jacente à la plupart des forums est la progression individuelle et collective, au lieu de quoi ce sont les borgnes qui transmettent leur préjugés aux aveugles. Je ne serai jamais d’accord avec l’idée que tous les avis se valent. L’avis d’un pro qui bouffe de l’image 7h/jours depuis 10 ans ou plus n’aura jamais la même valeur que celui du hobbyiste qui en fait 3h/semaine depuis 6 mois. C’est comme l’œnologie, quand tu commences à goûter des vins, tu les trouves tous bons, et plus tu en goûtes, plus tu deviens exigeant et difficile parce que tu sais qu’il y a mieux, et plus tu cherches la perle qui va te faire découvrir autre chose de nouveau. Les pros passent trop de temps à s’abîmer les yeux sur leurs propres photos pour avoir envie de conseiller les autres sur leurs images pour 0 €/h, tu ne les trouves pas sur les forums.

      Aujourd’hui, 2 ans après la rédaction de cet article, je suis convaincu que la critique ne sert à rien. Elle n’aide pas à progresser, elle n’aide qu’à se conformer au goût des autres. Chaque forum développe son standard visuel avec le temps. C’est une perte de temps.

      Quant à ceux qui sont « persuadés d’être artistes », s’ils ont une démarche, ils sont artistes. Il n’y a pas de délit d’exercice illégal de la profession d’artiste, on ne peut pas les en empêcher. Et je préfère limite ça à celui qui refuse tout questionnement sur sa pratique.

  4. Fred 31 juillet 2017 à 5 h 48 min - Répondre

    Je suis assez d’accord mais rien de nouveau ici si ce n’est l’évolution des moyens d’expression.
    Tu le dis toit-même en citant l’exemple de Van Gogh, la réalité que tu dénonces a toujours existé, bien avant même la démocratisation de l’Art.

    Les forums et autres lieux d’échanges, réseaux sociaux, clubs etc… ont un rôle à jouer peu que ses acteurs saisissent cette formidable opportunité qui leur est offerte : celle de pouvoir sensibiliser, éduquer, apprendre à regarder et à ressentir puis, à exprimer.

    Les règles sont comme « il faut nouer ses lacets avant de courir pour attraper son train »
    Il y a de très nombreuses façons de nouer ses lacets mais une chose est sûre, si tu ne noues pas tes lacets tu peux dire au-revoir à ton train et bonjour au mur qui te tend les bras.
    La façon de nouer tes lacets ne devrait avoir aucune espèce d’influence sur ton objectif personnel, celui de prendre le train vers la destination que tu t’es fixée.

    Certains disent détester les règles et vont mettre des chaussures à scratch ou des sandales, mais dans la réalité ils s’imposent simplement d’autres règles.

    Donc oui, il y a beaucoup de bruit autour des règles et une minorité s’intéressent avant-tout au ressenti. Et parce-que nous sommes de plus en plus nombreux, de plus en plus bavards pour ne rien dire, les « artistes » dans l’âme peuvent sembler de moins en moins audibles.
    Pour ma part, je préfère boire la moitié pleine du verre et y aller de ma modeste contribution sur un forum et dans mon club et ma fois, tant pis pour les autres.

  5. Scourakis 31 juillet 2017 à 11 h 25 min - Répondre

    Je vous remercie pour tout ce que vous avez écrit et ce avec un grand intérêt. Mais j’aimerais vous poser une question qui me tient à coeur. Comment fait-on ou s’adresser pour être pris au sérieux, pour briser les barrières et réussir à décrocher une première exposition. Pour dire franchement j’ai vu des expositions photos qui ne valaient pas le déplacement…Je vous remercie si vous pouvez me donner un conseil ou plus. Bien cordialement. Eléni Scourakis

    • Aurélien 1 août 2017 à 4 h 11 min - Répondre

      Bonjour,

      je n’en ai pas la moindre idée. Désolé…

  6. Book 21 août 2017 à 17 h 37 min - Répondre

    Je viens d’un forum de critique photo où on m’a dit que l’une de mes photos n’avait aucun intérêt et sur lequel je me suis faite insulter. J’ai vigoureusement protesté et mon compte s’est trouvé suspendu. Le problème, c’est que j’avais acheté des crédits pour pouvoir publier. À la réflexion, je leur ai demandé de supprimer mon compte. Je ne veux plus rien à voir avec ses gens là. Mon conseil : avant de verser des sous, s’assurer que tout se passe bien pour vous. Sur un autre forum, tout se passe bien. Trop, même. Parfois, je trouve que les critiques à mon égard (ou envers les autres) sont trop positives. Voilà pour mon expérience.
    Autrement, je trouve cet article très intéressant et il rejoint mes questionnements. Perso, j’ai trouvé un truc qui vaut ce qu’il vaut : j’ai remarqué que j’ai un certain don pour la photo de rue et j’y prends un grand plaisir. Par contre, question technique, ça pêche. Alors, je regarde ce que font les grands et j’essaie de m’en approcher. Pas de les imiter, mais de ressentir la même chose quand je regarde mes photos que lorsque je regarde les leur. Pas facile d’être à la fois créateur et critique, mais c’est ce que j’essaie de faire au mieux. J’espère avoir apporté quelque chose …

  7. Guillaume 7 octobre 2017 à 12 h 40 min - Répondre

    Quid, ici, du ressenti de celui qui voit ma photo ?
    Je ne parle pas ici d’un photographe qui voit les photos d’un autre photographe, mais d’un individu lambda qui parcours une expo photo, le genre de madame ou monsieur « tout le monde » qui fréquente les galeries du musée du Louvre.
    Ces gens là aussi, nos spectateurs, ressentent des émotions, des choses.

    Alors, loin des théories, quid de leur avis ?
    Doit on les mépriser, mépriser leur simple avis parce qu’ils n’ont pas la connaissance absolue ?

    De quelle manière dois je réagir face au public qui voit mes photos ?

    • Aurélien 8 octobre 2017 à 15 h 38 min - Répondre

      Le ressenti n’est rien d’autre qu’un ressenti. Pas une critique. Pas une analyse. Pas un truc susceptible de faire progresser quiconque.

      L’avis des gens, ça ne sert à rien, ça n’apporte rien, ça permet tout au plus de faire des statistiques, de savoir qui est le public qui réagit bien, de savoir à qui vendre. Ça n’est pas du mépris, c’est une réalité. L’avis des gens n’a aucune place dans une démarche d’expression personnelle, on ne fait pas de la politique (et donc pas de la démagogie).

      Le challenge du créateur, c’est de se rendre insensible aux avis des autres, qui vont soit le conduire à se reposer sur ses lauriers, soit le mener à la dépression.

  8. Jolanissa 8 octobre 2017 à 7 h 45 min - Répondre

    Et si on expliquait aux « papis photographes, qui associent des débuts tardifs hésitants à l’assurance de l’âge » et aux jeunes créateurs fraichement sortie des écoles que la photo n’est pas un art ? Le fait de donner une orientation artistique à ses photos ne fait pas de nous des artistes. les photographes compétents sont des artisans rien de plus, il n’y a rien de péjoratif dans le fait d’être un excellent artisan.
    ll y a un siècle, de nombreux peintres français, comme Bonnard ou Vuillard, se sont inspirés des photographies qu’ils prenaient avec leur appareil Kodak. L’appareil photo n’était qu’un outil permettant de donner une base aux tableaux qu’ils peignaient. La photo était le moyen à l’artiste peintre ( la peinture contrairement à la photo est un art majeur) d’avoir un support pour commencer son œuvre sur la toile.
    Personne n’aurait eu à cette époque l’idée de considérer la photo Kodak comme une œuvre d’art à part entière, ni celui qui l’avait prise et qui se contentait uniquement de prendre des photos, comme un artiste.
    Avant Kodak, la photo était réservée à une élite souvent fortuné. Le pictorialisme du milieu du XIXème avec ses membres composés de bourgeois tentent de hisser leurs productions au niveau des « vraies » artistes (peintres sculpteurs). Cette tentative n’a pas fait l’unanimité, de nombreux photographes se sont moqués de cette initiative considérant le pictorialisme comme une médiocre imitation de la peinture.
    La photographie professionnelle ou élitiste n’a jamais vue d’un très bon œil que des amateurs (la populace) puissent eux aussi avoir accès à la pratique photographique. Ce fut le cas avec l’époque Kodak avec une productions de photos souvent médiocre et méprisè des « élites » photographes, et c’est le cas aujourd’hui avec les smartphone snobé encore une fois pas les « artistes » photographes.
    Tout ceci pour dire que la photographie ne sera jamais aussi puissante que lorsqu’elle se démocratise et se pratique par le plus grand nombre. La critique qu’elle soit mauvaise illégitime ou pertinente, ne doit pas rester dans les mains d’une petite élite. Il faut l’entendre et la respecter même si on ne la partage pas.
    Cette critique à permis de se débarrasser de certains groupes de pensés prétentieux voulant s’accaparer définitivement l’idée qu’il se faisait de la pratique photo.
    La critique n’est pas le fait des milieux autorisés, chacun doit pouvoir l’exercer avec les moyens dont il dispose. L’argument consistant à dire : tu ne peux pas avoir un avis pertinent car tu ne connais pas tel ou tel photographe et tu n’as aucune formation artistique, n’a aucun sens. Le snobisme et le mépris n’a jamais été pertinent pour convaincre.

    • Aurélien 8 octobre 2017 à 16 h 17 min - Répondre

      Et si on expliquait aux “papis photographes, qui associent des débuts tardifs hésitants à l’assurance de l’âge” et aux jeunes créateurs fraichement sortie des écoles que la photo n’est pas un art ?

      Ah bon, et depuis quand ? Il y a art à partir du moment où il y a expression personnelle. On peut être auteur d’images comme on peut être auteur de livres. Ou bien l’écrivain n’est qu’un artisan de la langue ? Ce type d’argument date du XIXe s. et a été enterré une bonne fois pour toutes au XXe s. Il est d’ailleurs amusant de le voir ressurgir dans le commentaire de quelqu’un qui prétend s’opposer au snobisme et à l’élitisme puisqu’il est précisément le fait d’élitistes conservateurs académiques qui ont découpé arbitrairement le gâteau artistique en arts dits « majeurs » (ceux de l’imagination) et d’autres dits « mineurs » (ceux ancrés dans la réalité). D’ailleurs, l’art mineur désigne les arts « décoratifs », à visée esthétique, et n’inclue donc pas la photographie qui, si on lui refuse le statut d’art, rentrerait alors dans la catégorie des techniques de reprographie.

      L’évolution du Code de la Propriété intellectuelle, qui protège les photographies en tant qu’œuvres de l’esprit, puis l’introduction de concepts philosophiques pour l’analyse de la photographie (Roland Barthes, Walter Benjamin) ont renversé cet état d’esprit. Voir https://www.idixa.net/Pixa/pagixa-0710072357.html

      Le fait de donner une orientation artistique à ses photos ne fait pas de nous des artistes.

      Le fait de donner une orientation artistique à ses barbouillages sur toile non plus, si l’on utilise la même logique. Et pourtant… Ça marche, ça se vend, et ça finit muséifié quand même. Donc c’est bien l’intention artistique qui fait l’artiste.

      Tout ceci pour dire que la photographie ne sera jamais aussi puissante que lorsqu’elle se démocratise et se pratique par le plus grand nombre.

      Si vous le dites… Il est vrai que sa démocratisation, couplée aux algorithmes de reconnaissance visuelle et à la géolocalisation, en fait un outil de surveillance du bon peuple non élitiste très puissant.

      L’argument consistant à dire : tu ne peux pas avoir un avis pertinent car tu ne connais pas tel ou tel photographe et tu n’as aucune formation artistique, n’a aucun sens. Le snobisme et le mépris n’a jamais été pertinent pour convaincre.

      Je vous renvoie la balle. Le fait de déclassifier un art (pas assez élitiste pour en être) pour faire passer toute opinion non informée et non argumentée pour une critique valide est une forme de mépris peut-être plus pernicieuse encore.

  9. tourmagic 18 octobre 2017 à 13 h 01 min - Répondre

    Mince la vidéo n’est plus visible.

  10. DEUPONT 22 octobre 2017 à 18 h 13 min - Répondre

    Bonsoir. Photographe….Amateur, tout d’abord faiseur de photos de famille, de vacances, pendant des années, je me suis mis, il y a 3 ans, à photographier des modèles. Je n’arrivais pas à avoir une idée claire de ce que je cherchais ; votre article a en quelque sorte allumé la lumière : avant tout, je dois savoir ce que je cherche à montrer, être clair sur mon projet, et le reste suivra, la technique, la lumière, la profondeur de champ, le cadre, etc…..Et continuer à faire des photos jusqu’à je trouve……

  11. SylvainDel 5 novembre 2017 à 18 h 50 min - Répondre

    Bonsoir, Django Reinhardt avait 2 doigts paralysés et jouait donc avec 3 doigts ( vous avez indiqué 4 dans l’article), il a pour cela développé une technique particulière en se servant notamment du pouce pour fretter les cordes.

    J’ai beaucoup aimé votre article même si je n’adhère pas à cette mésestime pour la technique, que vous abandonnez selon moi trop facilement, aux bas de plafond et aux web-commerciaux 2.0. La maitrise de l’outil continue à me motiver, la technique aussi, j’adore lire les photograph 101 d’Eric KIM, j’adorerai voir « en vrai » un dye-transfer de William Eggleston..

    Je découvre votre site et continuerai à le parcourir avec intérêt sans attendre le prochain mois d’avril.

  12. Régis 13 février 2018 à 11 h 54 min - Répondre

    Bonjour, Je viens de découvrir ce très bon article, auquel j’adhère globalement. Petit bémol : je partage la vision de Johanissa et j’en rajouterai :

    L’activité photographique, entachée de vulgarité par le fait de sa diffusion, ne peut-être qu’un art mineur, «  un art qui imite l’art  ».
    Pierre BOURDIEU.

    « La photo est créative mais ne peut se comparer à la peinture qui se conçoit à partir de rien »
    Charles Chadwyck-Healey

    Sabine Weiss : « La photographie n’est pas un art, c’est un artisanat »

    • Aurélien 14 février 2018 à 1 h 05 min - Répondre

      Avant même de savoir si la photo est un art majeur ou mineur, j’aimerais bien savoir où est le besoin de catégoriser deux niveaux d’art (et en présence d’un besoin pressant, pourquoi juste deux niveaux ? Et si l’on veut absolument deux niveaux, pourquoi faire la différence entre ceux qui en ont une petite et ceux qui en ont une grosse ? « Majeur » et « Mineur », c’est un jugement de valeur, pas juste une distinction taxinomique neutre).

      Sabine Weiss voit la photo comme un artisanat, car elle a fait de la photo publicitaire et documentaire toute sa vie. C’est SA photographie qui est un artisanat. J’aimerais savoir ce qu’en pense David Lachapelle…

      La peinture ne se créée pas à partir de rien, la preuve c’est que les peintres ont besoin de modèles et que depuis le XIXe siècle, beaucoup d’entre eux utilisent la photographie pour réaliser des études préalables au tableau. C’est une vision totalement romantique et idéalisée du peintre que celle du « créateur » (qui donc se prend littéralement pour Dieu). D’ailleurs, les peintres abstraits se sont fait cracher dessus de la même manière que les photoqgraphes quant à la valeur de leur art (souvent qualifié de « dégénéré »), alors qu’on est bien là dans de la création à 200 % puisqu’on ne représente même plus le réel.

      L’art n’est pas seulement dans la création, il est dans l’expression. Si je pisse dans le sable, est-ce de l’art ? Ça a l’air d’une blague, mais ça n’est pas si différent du dripping de Jackson Pollock, et la réponse n’est pas évidente. Tout dépend de l’intention, en fait.

      Quant à Pierre Bourdieu, la photo animée (qu’on appelle le cinéma) le fait mentir… La cinéma créée, et bien au delà du simple théâtre filmé, puisque les jeux de caméras et les effets spéciaux rajoutent une dimension narrative par rapport à une simple captation de théâtre. Et pourquoi la diffusion implique automatiquement la vulgarité (et encore là, on parle de vulgarité au sens de vernaculaire ou de grossièreté ?) ? Les gravures de Gustave Doré dans les Jules Verne des éditions Hetzel sont donc vulgaires ? Pourtant c’est bien de la création… L’art doit-il obligatoirement être élitiste pour être de l’art ? Bref, ça déclenche mon alarme « vieux con ».

      « L’art qui imite l’art » me rappelle Walter Benjamin (voir L’œuvre d’art à d’époque de sa reproductibilité technique). Je signale que le problème de la copie/diffusion se pose de la même manière avec les scupltures en bronze (généralement coulées à une dizaine de copies) sans causer le moindre sursaut. Et si, tout simplement, l’art du XXe siècle n’était plus déterminé par son unicité matérielle (la pièce unique originale) mais par l’unicité de sa démarche ou de son regard ? Au fond, c’est au concept à s’adapter à la réalité, pas l’inverse…

      Il y a dans la photographie non-documentaire (et même parfois dans la photo documentaire) le même travail narratif que dans n’importe quel tableau. Les touches de pinceau sont simplement remplacées par des temps de développemement (en argentique) ou des réglages (en numérique). Les notions de composition sont les mêmes, le langage visuel ne change pas (à part peut-être pour l’usage de flou).

      Le découpage art majeur-mineur n’est qu’un soubressaut des peintres académiques tentant de justifier leur existence et leur supériorité, pendant leur ultime râle d’agonie, de la même façon qu’on voit aujourd’hui les photographes professionnels dévaloriser les amateurs (souvent aussi bons qu’eux) pour défendre leur existence même. Cela correspond à des interprétations théoriques de l’art datées du XIXe siècle et qui émergent de milieux conservateurs ayant pignon sur rue. Je vous renvoie notamment aux travaux de Susan Sontag et aux synthèses d’André Gunthert : http://imagesociale.fr/3311

      Je voudrais juste assoir une chose : la photographie est un medium technologiquement déterminé, c’est à dire rendu possible par la maîtrise de l’émulsion photo-sensible puis de l’effet photo-électrique. Ce medium peut être utilisé, comme la peinture, pour toutes sortes d’usages (publicité, documentation, propagande, mise en scène, narration de faits bibliques, etc.). C’est l’usage qui fait l’art, quel que soit le medium.

      « Technologiquement déterminé », ça veut dire que la technique influe directement sur l’usage, et que cette technique évoluant, l’usage évolue avec elle (en photo, les drones grand public et le smartphone sont en train de tout changer). La théorie de la photographie est descriptive, c’est à dire rétrospective (on ne peut pas décrire ce qui ne s’est pas encore produit), à la différence de la théorie du cinéma qui est contemporaine de la Nouvelle Vague (Eric Rohmer et François Truffaut étant à la base des critiques rédacteurs des Cahiers du cinéma, avant même d’être réalisateurs, on ne sait plus très bien si la théorie est descriptive ou prescriptive). Partant de ce constat, la théorie de la photo est vouée à avoir un train de retard sur la pratique. Et pour le cas qui nous occupe, la décomposition entre arts majeurs et mineurs a plusieurs trains de retard puisqu’elle précède la théorie essentialiste du réalisme indiciel (Sontag, Barthes, Benjamin - 1970), la théorie de l’image fluide (1990) et la théorie de l’image conversationnelle (2010).

      Ce qui ne change pas, en revanche, c’est qu’à chaque nouvelle avancée technologique (pellicule bon marché, photo numérique, logiciels de retouche, photo-téléphones), on retrouve les mêmes pleureuses qui regrettent systématiquement la dénaturation du medium parce que les choses se simplifient. Ce qui est paradoxal, en fait, puisque Photoshop, par exemple, en tant qu’outil de peinture numérique, rapproche la photographie des ses origines picturales en brouillant les frontières et devrait, en suivant votre logique, en faire un art majeur (puisqu’on n’est plus piégé dans une représentation « fidèle » du réel, mais on peut altérer cette réalité de façon « artistique »). Or c’est l’inverse qui se passe puisse Photoshop dénature le document photographique, et ça fait encore râler les plus catholiques que le pape.

      Je rappelle quand même qu’on a eu les mêmes débats à l’invention du livre de poche (qui démocratisait/vulgarisait la littérature et surtout le roman de gare), et même à l’invention de l’imprimerie (qui encourageait les gens à lire des âneries et précipitait la mort de la tradition orale).

      Morale de l’histoire : y a juste à attendre la mort des vieux cons.

  13. Philippe 13 août 2019 à 15 h 56 min - Répondre

    Tous les goûts sont dans la nature, ce lieu commun est vrai ,mais, ce qui est vrai aussi est que tous les goûts ne se valent pas, pour preuve le  » AMERICA FIRST « , il a été élu démocratiquement, donc légitime, eh bien moi,ça me pose un problème.
    Une ânerie peut être acceptée par le plus grand nombre, pour autant cela ne devient pas une vérité et les forums en regorgent, il en va de même pour ces  » youtubeurs-photographes-qui ne partagent jamais leur travail « , trop cachés derrière des données techniques savamment apprises par cœur sur le manuel technique de leur boitier mais en changeant quelques mots pour donner le change… Taratata, nous ne sommes pas dupes et en tout cas pas moi.
    Par exemple le Monsieur NIKON PASSION, qui du haut de son savoir ou plutôt de son tabouret, prévient qu’il ne réponds pas aux emails qui lui sont envoyés,étrange, non ?
    Et rien que le nom : NIKON PASSION, mais c’est quoi ça ? Ce n’est qu’une marque, quelle importance que l’on soit équipé en Nikon, Canon, Sony ou Hasselblad ? ( non, pas Hasselblad, j’en veux un, juste pour me la péter…) .
    Qui parle de photographie au sens noble du terme, qui parle des grands auteurs Japonais, Anglais, Américains ( pas Trump bien sur ) et bien d’autres encore, Robert Doisneau, Cartier Bresson sont des géants, mais ce ne sont pas les seuls.
    Hé Ho les youtubeurs de mes deux, coupez vos chaines (au sens propre comme au figuré), allez apprendre l’histoire de la photographie au lieu de parfaire vos connaissances sur Photoshop, et après, seulement après revenez.
    YES WE CAN, c’étéit mieux, non ?

  14. Michel ARNOULD 18 novembre 2019 à 18 h 03 min - Répondre

    Article intéressant, mais beaucoup de remplissage pour nous dire que les sites de critiques photo c’est de la daube. Et encore, c’est une insulte à ce très bon met si celui-ci est bien réalisé, comme j’ai pu en déguster en Camargue. Je suis un papy photographe. J’ai acheté mon premier APN au salon de la photo il y a trois ans. Sur le même salon, je suis passé sur le stand de fotoloco, un site de critiques et d’échanges. Avec tout un tas de tutoriels tous plus ou moins infantilisants, pour ne pas dire complétement inutiles. J’y suis resté six mois. Le truc complètement nul. Une triste et pâle imitation de Facebook. Ou l’on retrouve tous les ingrédients cités dans votre article, et cela en est tout simplement la quintessence. Le site revendique 20.000 inscrits, mais seulement une petite trentaine de personnes fidèles, pour ne pas dire addicts aux fameux Likes, s’y activent journellement. C’est la tyrannie du beau, du spectaculaire, ou les couchers de soleils et les sous-bois d’automne, font la loi. On y retrouve toutes les belles photos que l’on peut voir sur les boites de chocolats et les calendriers de la poste. Des photos pour plaire aux plus grand nombre, des photos sans personnalité, tristement banales. A fuir si l’on veut vraiment faire de la photo, avec tout simplement, un petit supplément d’âme.

  15. le p’tit lutin 24 janvier 2020 à 16 h 17 min - Répondre

    Bonjour à toutes et à tous.

    Et ben là, je suis sur le séant !..
    J’adore les coups de gueules constructifs, et là je suis servi !

    Les papys (mais aussi les jeunes) spécialistes du bokeh, du piqué et de tout ce verbiage « forumesque » emplit de mots finissant par les sons [e], [ε] ou [ə] me brisent l’écoute à moi aussi !
    Ouvrez les yeux les gars (car ce sont souvent des hommes), il y a souvent autre chose à voir dans une photo que des lignes, des triangles, une netteté qui pique les yeux et un horizon placé au tiers !

    Merci beaucoup M. Pierre, ne changez rien et meilleurs vœux pour cette nouvelle année.

  16. DEUPONT 6 août 2020 à 17 h 36 min - Répondre

    Bonjour. Qu’est-ce qui m’a amené jusqu’à cet article ? C’est tout simple : je suis un modeste faiseur de photos, depuis longtemps, d’abord en argentique, en famille, et puis aussi en numérique, avec depuis quelques années , l’envie de photographier mon prochain, et je l’avoue, quelques jolies femmes de mes amies. Après avoir participé à des stages animés par un professionnel, qui considère que la différence entre un photographe amateur et un professionnel doit tendre vers la seule qui vaille : l’un se paye , l’autre non ( Je dirai même que ça lui coûte !!!). Ceci veut dire que la qualité, l’émotion doit être au rendez-vous. Par hasard, par opportunité, ou pour tout autre raison, je me suis retrouvé inscrit sur un forum de critique photo, et j’ai posté, il y a 3 jours, un de mes portraits ; et alors, là, je me retrouve totalement dans ce que tu as écrit dans ton article : j’ai été proprement assassiné par un participant, qui d’après ce que j’ai vu, se fait une spécialité de ce type de ….Lynchage ; je n’avais plus qu’à mettre ma photo à la poubelle ! Les photos de ce monsieur étaient d’ailleurs pour moi sans âme, et du point de vue même de ses propres critiques, pouvaient être « démolies  » ; J’en ai parlé à mon copain professionnel , qui m’a rassuré, en me disant que j’accordais trop d’importance à ce genre de critiques négatives, venant de la part d’une personne dont on ne connait rien ; j’ai toujours été méfiant vis à vis des forums, mais aussi des clubs photos ( avec le thème de l’exposition de fin d’année…), et encore plus de la course au llikes, sur les réseaux sociaux. La lecture de ton article me conforte dans cette idée : je dois continuer, en artisan besogneux, à produire des images, et avant tout à être clair sur ce pourquoi je veux faire une image, ce que je veux dire, quelle émotion je faire partager. Bien cordialement.

  17. kisifi 25 mars 2021 à 9 h 53 min - Répondre

    J’arrive longtemps après la rédaction de cet article, dont grosso modo j’approuve le fond, mais je ne suis pas bien d’accord avec ce point précis :

     » Être un photo-reprographe, aujourd’hui, c’est s’abaisser au niveau du logiciel interne de l’appareil photo. Nous sommes condamnés à être auteurs pour justifier l’existence de la photographie, une pratique dont la réalisation technique n’a plus besoin de techniciens puisqu’elle a des automates intelligents. La reproduction du réel est déjà prise en charge par les caméras de surveillance et par les Google cars qui, avec 8 caméras, sont capables de générer automatiquement des vues 3D de nos rues. Qu’avez-vous de plus à apporter  ? »

    C’est une réflexion que j’ai déjà eu, il y a bien longtemps, bien avant les google cars. A l’époque argentique je ne prenais que des photos-souvenirs de mes amis, et c’est tout. Pas de paysages, pas de scènes de rues, rien de « photo-reprographe » : selon moi ce n’était pas la peine de documenter quoi que ce soit puisque de vrais professionnels s’occupaient de produire de magnifiques albums, cartes postales ou posters d’une qualité nettement supérieure à ma production.

    J’ai réalisé des années plus tard la monstrueuse connerie que c’était. J’ai travaillé plusieurs années dans des pays africains où j’ai assisté à des scènes qui n’étaient tout simplement pas ou peu disponible en albums, cartes postales ou posters (et dans les rares productions disponible c’est bien souvent avec des partis pris esthétiques différents des miens). Je le regrette maintenant, et c’est irrattrapable : le monde a changé ces scènes ont disparues. Et j’ai vieilli je suis désormais bien moins apte qu’à 25 ans à m’introduire dans de nouveaux cercles sociaux.

    Du coup depuis je photographie tout, en vacances au boulot ou à la maison. Pas envie d’avoir de nouveau les mêmes regrets, et tant pis si ma production est minable et stéréotypée. C’est beaucoup plus tard que je saurais si elle avait de l’intérêt. La pratique photo documentaire n’est pas morte, au moins pour moi.

    • Aurélien 31 mars 2021 à 4 h 52 min - Répondre

      En fait, on est d’accord. Je n’ai jamais dit que la photo documentaire était en soi de la vulgaire reprographie.

      Même en photo documentaire, il y a un parti-pris et une opinion qui se manifestent dans le moment choisi pour déclencher, l’angle et le cadre. À la différence d’une Google car qui shoote à 360 ° ou d’une caméra de surveillance qui shoote en continu, sans choix, sans point de vue, sans intention. Il y a un travail d’auteur à faire aussi dans le documentaire. Le photo-reprographe ne réfléchit pas à tout ça, c’est un déclencheur compulsif qui cadre sans conscience, souvent des plans large « pour ne rien manquer » et qui finit avec des photos bordéliques sans sujet et sans direction.

      Bien sûr qu’il faut documenter toutes les choses fugaces. C’est tout l’intérêt de la photo : garder une trace. Mais c’est pas parce qu’on photographie le réel qu’il faut le faire sans imagination. Le réel est un point de départ, et on vit déjà dans un monde qui manque cruellement d’idées et d’imagination (on te fait de la realpolitik, on te sort le « principe de réalité », comme si la réalité était unique, comme si ça coupait court à toute contradiction, à un moment, le terre-à-terre pragmatique et le bon sens paysan, ça n’envoie pas des fusées dans l’espace…), ça peut valoir la peine de faire l’effort d’aller un peu au-delà.

      Moi aussi, j’ai pris des photos médiocres où la moitié des gens dans le cadre sont morts aujourd’hui. 10 ans après, je ne les regarde pas pareil. Je ne les mettrais pas dans une exposition parce qu’elles n’ont de valeur que pour ceux qui les ont connus. Mais personne n’a dit qu’elles n’avaient pas de valeur, c’est juste que leur valeur est contextuelle.

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